Covid-19 : quelles conséquences sur la pratique du massage ?

La pratique professionnelle du massage est proscrite durant toute la période de confinement. Quelles précautions s’imposeront à ce métier du contact et du toucher lorsque sera venu le jour du déconfinement ? Les clients reprendront-ils en confiance le chemin des salles de massage ?

La crise du Covid-19 ne sera pas close le jour du déconfinement. Elle impactera durablement les codes hygiénistes de notre société. A minima pour 24 mois. Voire à plus long terme, ou définitivement. Ces transformations pourront être le fait de la puissance publique, qui imposera de nouvelles normes. Elles pourront être le fait des masseurs, également soucieux de leur santé et de celle de leurs proches. Elles seront sans aucun doute le fait des amateurs de massages eux-mêmes, qui vont requestionner le rapport bénéfices / risques d’un moment de bien-être. Car il n’est pas simplement question de remonter sur sa planche de surf et de défier les vagues en solitaire. Il s’agit de remonter sur une table de massage et de confier son corps aux soins d’un autre.

Les professionnels du massage n’ont pas attendu la crise Covid-19 pour installer l’hygiène dans leurs pratiques. Cependant, la circulation d’un virus volatil, respiratoire et à incubation longue oblige à repenser les méthodes. Nul masseur n’a envie de se transformer en bombe à retardement. Et pourtant le désir, et l’urgence, de reprendre une activité professionnelle conduiront bientôt à franchir le pas. Il faudra alors répondre à des questions très concrètes. Le port du masque, par le massé comme par le masseur, sera-t-il indispensable ? Et s’il l’est, sera-t-il suffisant ?

À quel niveau de risque expose le contact manuel ? Et comment le gérer ? Quid du massage du visage ? Les gestes plus rapprochés, tels les manipulations ou le massage avec les avant-bras, pourront-ils raisonnablement être pratiqués ? Pour quelle lingerie faut-il opter ? Du lavable ou du jetable ? Quel niveau de désinfection pratiquer entre chaque client ?

D’autres questions se poseront quant à la sélection, ou non, de la clientèle. Pour une partie des clients les plus réguliers, le massage s’inscrit dans une démarche de santé globale. Il s’agit d’apporter un confort dans la gestion de pathologies multiples, ou tout simplement du vieillissement de l’organisme. Toutes situations que le Covid-19 estampille « à risque ». Et pourtant, les masseurs sont légitimes à répondre à la demande de personnes pour qui le massage ouvre une fenêtre de mieux-être sur un paysage fait de douleurs et d’inconforts. Pourrait-il en être tenus juridiquement responsables ? Faudra-t-il envisager de faire signer une décharge aux clients ? Cette décharge aurait-elle quelque solidité juridique ?

Mais l’enjeu le plus fort pourrait-il s’avérer sociologique ? La crise Covid-19 va-t-elle modifier les représentations que le public a de l’intérêt ou de la nécessité de se faire masser ? Cette modification sera-t-elle en positif ou en négatif ? On peut imaginer que cette crise taille en pièce notre idée de toute puissance et nous oblige à faire retour à notre humanité. Le massage y gagnerait alors, lui qui s’inscrit dans une représentation de retour sur soi, et dans une culture du naturel et du respect de l’environnement. Mais il est également possible d’envisager que la crise Covid-19 conduise à l’exacerbation des postures de repliement et de protection. Et que le massage soit alors perçu comme un risque à ne pas prendre.

Tous ces sujets imposent que, collectivement, les professionnels du massage envoient un message fort et clair à la société. Il est indispensable que les organisations professionnelles se saisissent en urgence de ces sujets et formulent des recommandations hygiénistes dont chaque masseur pourra se prévaloir. Il est également essentiel que ces organisations activent une communication grand public à la hauteur de la crise actuelle… Cela se peut-il ? En France, le métier de masseur relève majoritairement, si ce n’est de l’économie souterraine, a minima d’une économie interstitielle. La profession est faiblement organisée. Faiblement représentée. Non reconnue par les pouvoirs publics. Si la crise Covid-19 frappe aussi durement et durablement que ce qui est aujourd’hui envisageable, la profession pourrait ne pas s’en relever.

 

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